Pop alternative sophistiquée et mélancolique
Depuis Barragán en 2014, Sit Down for Dinner est le premier album studio complet publié de Blonde Redhead. Après cette longue absence (cela faisait près de dix ans que le groupe n’avait plus produit d’album), Blonde Redhead a donc sorti ce nouvel opus pour le moins savoureux à l’automne 2023. Un album consistant, fait de mélodies discrètes mais intenses sur lesquelles s’ajoutent des paroles qui se veulent chroniques de l’âge adulte.
Rappelons que le groupe new-yorkais est l’une des identités fortes du paysage rock alternatif américain. Il est composé d’un trio cosmopolite et intrigant, formé par la japonaise Kazu Makino (chant, multi-instrumentiste) et les jumeaux américano-italiens Amedeo (chanteur, multi-instrumentiste) et Simone Pace (batterie et claviers).
Leur carrière, entamée il y a 30 ans, est souvent associée à celle de leurs illustres voisins Sonic Youth, ou lointains cousins Yo La Tengo ou encore Low.
Tout amateur d’indie-rock et d’art-rock aventureux sait que Blonde Redhead a fait preuve, en dix albums, d’une grande habileté dans l’art subtil d’un dream-rock vaporeux et poétique aux mélodies incandescentes.
Blonde Redhead avait dans un premier temps signé sur Smells Like, le label de Steve Shelley, batteur de Sonic Youth. Après avoir pris ses marques dans l’indie new-yorkais des années 1990, le groupe aurait facilement pu y rester bien au chaud. Ils ont toutefois poursuivi leur évolution, en travaillant chez les labels indé Touch & Go à Chicago (Shellac, The Jesus Lizard, Big Black) puis chez 4AD à Londres (Cocteau Twins, This Mortal Coil, Lush), pour des productions toujours solidement soignées et réfléchies.
Les premiers albums du groupe étaient connus pour leurs influences noise rock. Plus tard, au début des années 2000 avec les sorties de Misery is a Butterfly en 2004 et 23 en 2007, on avait pu noter l’incorporation d’éléments shoegaze et dream pop. C’est bien cet univers de pop rêveuse et de subtilité mélodique encore plus accentuée qui continue de nous charmer.
C’est donc avec ce séduisant Sit Down for Dinner que le groupe fait son grand retour. Et c’est une réussite ! L’écoute de ce disque est réconfortante autant que le plaisir est grand. Cet album est cohérent, définitivement lumineux, harmonieux et profond. Le tout en parvenant à éviter l’étiquette d’une musique trop cérébrale ou pompeuse. Tout au long de cet album on est en effet plongé dans une esthétique délicate et fragile. Sit Down for Dinner est une œuvre tout en subtilité qui sait charmer avec des mélodies très atmosphériques qui associent à la perfection légèreté et densité. Loin de la sensibilité bruitiste de leurs premiers enregistrements, Blonde Redhead cultive sur cet album une musique empreinte de pureté, de raffinement.
L’alternance au chant féminin de Kazu Makino et ceux masculins et non moins fins et éthérés de ses acolytes permet une jolie complicité harmonique, tout comme le son de ces guitares envoutantes qui rendent ce nouveau disque ensorcelant. Sous ces gracieux et enchanteurs apparats esthétiques, les paroles, elles, explorent des thématiques aux dimensions intenses et mélancoliques.
L’idée maîtresse : le basculement, comment le malheur peut tout faire chavirer en un instant ?
Kazu Makino a d’ailleurs cité comme inspiration le récit L’année de la pensée magique de la célèbre journaliste New Yorkaise Joan Didion qui relate l’expérience du deuil soudain si commun et pourtant si inconcevable qui laisse dans un état mêlant souffrance, stupéfaction, incompréhension, incrédulité.
Au vu des questions existentielles abordées, l’univers de cet album n’en est pas pour autant funèbre. Bien au contraire, la tonalité est soyeuse, mélodieuse, ouatée, belle.
C’est même là probablement l’album le plus optimiste de ce groupe unique, toujours fascinant et magnétique. Une belle réalisation que cet album doux mais vigoureux qui en fonction de ses nuances et ses variétés se montre très homogène.
Un album à écouter sans modération, en avant-goût quelques échantillons :
Les albums de Blonde Redhead dans les bibliothèques parisiennes :
Le carnet de Marguerite 
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