Le projet Convoi 77 : Transmettre la mémoire de la Shoah

En septembre 2021, la médiathèque a accueilli une rencontre dans le cadre du projet Convoi 77, auquel ont participé des élèves du collège Saint-Germain-de-Charonne. Retour sur un projet remarquable qui œuvre en faveur de la transmission mémorielle de la Shoah.

Comment enseigner la Shoah aux adolescents ?

Danièle Artur, professeure d’histoire-géo du collège Saint-Germain-de-Charonne (situé tout près de la médiathèque), a décidé de prendre cette question à bras le corps. Il y a quelques années, elle a participé à une formation organisée par le Mémorial de la Shoah en Israël, où elle a rencontré Georges Mayer, président et fondateur de l’association Convoi 77. A germé alors l’idée de participer au projet de l’association, idée qui s’est concrétisée durant l’année scolaire 2020-2021, mobilisant les 31 élèves de la classe de 3ème Germaine Tillion.

Le projet Convoi 77 a été lancé en 2014 par des descendants et proches des déportés du convoi 77, parti du camp de Drancy le 31 juillet 1944 avec 1 310 hommes, femmes et enfants à son bord, destination Auschwitz Birkenau.
Pour Georges Mayer et les membres de son association, il s’agit de proposer une nouvelle façon d’enseigner l’histoire de la Shoah auprès des adolescents, et d’assurer la transmission de la mémoire du génocide parmi les jeunes générations.
Dans la pratique, l’association propose à des collégiens et lycéens de chaque pays concerné, de rechercher les traces des personnes déportées qui naquirent et vécurent dans leur ville ou leur village.

Au collège Saint-Germain-de-Charonne, les élèves de la 3ème Germaine Tillion ont choisi de travailler sur une famille d’émigrés juifs polonais, les Hofenung, qui habitaient dans le 20ème arrondissement, non loin de la porte de Montreuil, rue Félix-Terrier.

La rue Félix-Terrier, années 30. Bibliothèque Historique de la Ville de Paris

Un travail documentaire et une exposition

Les adolescents, accompagnés de leur professeur, se sont attachés à reconstituer la vie de cette famille modeste (le père était ouvrier maroquinier) et nombreuse (cinq enfants).
Ils se sont intéressés au cadre de vie de la famille, se documentant sur la physionomie et les caractéristiques du quartier dans les années 30. Ils ont également imaginé ce que pouvait être l’intérieur de l’appartement des Hofenung à travers une exposition présentée au sein du collège (l’exposition a aussi montré le contexte de la guerre à partir des documents et objets prêtés pour l’occasion par les parents des élèves de la classe).

L’exposition au collège Saint-Germain-de-Charonne (photo Danièle Artur)

Les biographies

Les biographies très documentées que les collégiens ont rédigées constituent la pierre angulaire du projet. Elles retracent des trajectoires tragiquement brisées par l’holocauste. Sur les sept membres de la famille Hofenung, trois ont été arrêtés par la Gestapo à leur domicile le 24 juillet 1944 soit Riwka, la mère , et ses deux plus jeunes enfants : Georges, 19 ans, et Rosa, 16 ans. Leur soeur aînée , Sarah, a été arrêtée le 20 juillet 1944 par la Gestapo chez des amis où elle se cachait. Seules Sarah et Rosa sont revenues de déportation. Au cours de leurs recherches, les élèves ont découvert l’existence d’un descendant vivant, Didier Norynberg, le fils de Rosa, avec lequel ils ont pu correspondre. Son témoignage, complété par les documents d’archives qui ont été collectés, ont permis d’alimenter les notices consultables sur le site de Convoi 77 (1). Autre source ô combien précieuse, le témoignage filmé de Sarah que l’on peut visionner au Mémorial de la Shoah à Paris (2).

Arbre généalogique de la famille Hofenung réalisé par Victor Marot-Brouillet

Une rencontre

Pour conclure cette expérience hors du commun, une rencontre a été organisée fin 2021 à la médiathèque, entre les élèves de Saint-Germain-de-Charonne, Serge Jacubert, responsable au sein de Convoi 77 des relations avec les enseignants, et Marta Craveri, historienne spécialiste des déportations d’enfants à l’époque stalinienne. Didier Norynberg était également présent par visio-conférence. Les échanges ont été d’une grande qualité et les interventions, chargées en émotion, ont sans nul doute contribué au nécessaire passage de relais dans la transmission de l’histoire de la Shoah. Une transmission plus que jamais indispensable à l’heure où les derniers témoins de cette terrible période disparaissent.

(1) Les biographies :
Riwka Hofenung : https://convoi77.org/deporte_bio/rivka-hofenung/
Sarah Hofenung : https://convoi77.org/deporte_bio/sarah-hoffnung/
Georges Hofenung : https://convoi77.org/deporte_bio/georges-hofenung/
Rosa Hofenung : https://convoi77.org/deporte_bio/rosa-hofenung/

(2) Témoignage de Sarah Schlecker (née Hofenung), USC Shoah Foundation Institute, conservé par l’United States Holocaust Memorial Museum. Ce témoignage peut être visionné au Mémorial de la Shoah à Paris

Pour aller plus loin

À lire et à voir – les documents du fonds Découverte de l’Est parisien

Le camp de Drancy – Wikicommons

L’histoire du seul camp d’internement parisien durant la Seconde Guerre mondiale au travers de trente portraits de prisonniers. L’ouvrage met ainsi des visages sur les indésirables, hommes et femmes, qui furent détenus aux Tourelles pour motifs religieux et politiques.

L’auteure relate son enfance à Ménilmontant, jusqu’à ce jour de juillet 1942 où elle s’enfuit, laissant derrière elle sa mère qui vient de la gifler pour la forcer à partir. Elle évoque ses parents, ses cousins, ses voisins et ses camarades de classe qui ne revinrent jamais après la rafle du Vél d’Hiv.

Ce recueil est né de la rencontre entre les jeunes et les professeurs du collège Françoise Dolto (rue des Pyrénées, 20e arrdt), et des anciens élèves, déportés survivants, de l’école Tlemcen (rue Tlemcen, 20e arrdt). Il contient de nombreux témoignages et documents d’archives.

L’historien Ivan Jablonka est parti sur les traces des grands-parents qu’il n’a pas connus. Pourchassés comme communistes en Pologne, étrangers illégaux en France, juifs sous le régime de Vichy, ils ont vécu toute leur vie dans la clandestinité. Ils ont été emportés par les tragédies du XXe siècle. Une biographie familiale entre empathie et mise à distance.

Ruth Zylberman raconte l’histoire de cet immeuble parisien depuis 1850 et des générations qui s’y sont succédé, livrant une réflexion sur les traces du passé, la mémoire et le lien entre les vivants et les morts.

Ruth Zylberman a choisi au hasard un immeuble dont elle ne savait rien. Pendant plusieurs années, elle a enquêté pour retrouver les anciens locataires du 209, rue Saint-Maur dans le Xème arrondissement de Paris, et reconstituer l’histoire de cette communauté humaine pendant l’Occupation. Elle a retrouvé les survivants à Paris, en banlieue, en province, dans le monde entier. Elle les a filmés, ainsi que les pierres et les habitants de l’immeuble aujourd’hui, pour redonner vie à ces histoires oubliées.

Le petit Jean a 5 ans sous l’Occupation. C’est jeune mais assez pour savoir qu’on ne parle pas aux Allemands même s’ils vous adressent la parole dans la rue, qu’il ne faut jamais dire que son copain Bébert est juif car il pourrait mourir et qu’il ne faut pas parler des deux enfants que sa mère a cachés chez eux le jour de juillet 1942 où la voisine a été emmenée au Vel’ d’Hiv. Mais 5 ans c’est aussi l’âge où l’on joue, on découvre le monde dans ce quartier populaire de Charonne où les nationalités et les confessions se mélangent, l’âge où, encadré par des adultes qui résistent à leur manière, l’enfant se forge des valeurs qui dureront toute sa vie. C’est aussi l’âge où l’on se fait des amis facilement comme le petit Ivan Levaï rencontré en 1943 au temple de Béthanie où le pasteur Barlet fait l’éducation religieuse des enfants le jour et des faux certificats de baptême la nuit. Le petit Jean deviendra pasteur et nous livre ici ses souvenirs de l’Occupation ; le petit Ivan deviendra journaliste et complète par une préface pleine d’émotion le récit vécu de son ami Jean.

Maurice Rajsfus avait dix ans en 1938. Il habitait Vincennes, fréquentait l’école de l’Ouest et aspirait à une enfance ordinaire. Fils d’émigrés juifs polonais, il pensait être un petit Français élevé au pays de la liberté, dans un esprit de fraternité et d’égalité. C’est pourtant la police française qui arrêtera le petit Maurice et ses parents le 16 juillet 1942…

Appartenant à une famille juive polonaise installée à Paris en 1930, l’auteure est déportée à l’âge de 15 ans à Auschwitz-Birkenau. Elle raconte l’horreur du génocide au nom de sa famille disparue dans les camps, notamment auprès de jeunes élèves. L’historienne I. Ernot prolonge et accompagne le récit de ce témoin.

Récit de vie d’A. Bigielman, né à Paris dans une famille juive émigrée de Pologne : son enfance heureuse dans le Ménilmontant populaire des années 1930, l’engagement de son père dans la Légion étrangère, la montée des persécutions antisémites sous l’Occupation, son internement au camp de Drancy et sa déportation au camp de Bergen-Belsen.

L’auteur retrace l’histoire de sa grand-mère, née dans un shtetl des environs de Tarnow, en Pologne, en 1911, qui s’installe en France, à Belleville, à l’âge de 18 ans. Dans ce nouveau pays, elle connaît les Années folles, puis la guerre, l’exil, la peur et la Libération avant de se reconstruire.

Étude de la vie quotidienne des communautés juives de Montreuil, Bagnolet et Vincennes, de leur implantation en France au début du XXe siècle jusqu’aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, dans ses différents aspects : culturel, cultuel, associatif, politique.

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