Lorsque l’on pense au mot « intime », notre esprit songe aux sphères suaves de l’amour, imagine des confidences sur l’oreiller, des soupirs de chambre à coucher et autres secrets d’alcôve et pourtant, dans son Histoire de l’intime, Philippe Artières nous entraine dans bien d’autres dimensions.
Historien français, actuellement directeur de recherche au CNRS dont l’activité regroupe de nombreux domaines de connaissance, Philippe Artières s’intéresse et étudie l’univers carcéral ou criminologique. Ses écrits puisent leurs sources dans les archives. On lui doit plusieurs ouvrages de référence, La Vie écrite de Thérèse de Lisieux paru en 2011, La Banderole : histoire d’un objet politique paru en 2013 et La Police de l’écriture : l’invention de la délinquance graphique paru également en 2013.
Dans son ouvrage, le mot « intime » regroupe énormément de réalités différentes, de contextes et de définitions. Cet intime relaté par Philippe Artières puise sa définition dans la simple vie de famille en passant par la mort et l’intimité lié au recueillement, par la « Révolution de 1968 » et les revendications étudiantes et la libération du corps jusqu’à l’apparition de la téléréalité au début des années 2000 qui expose l’intime aux yeux de tous mais aussi par l’explosion d’Internet et des smartphones qui apparaissent comme une liberté infinie de dévoilement de son intimité sans en être contraint comme c’est le cas dans le milieu carcéral où chaque geste, parole ou écrit est désormais soumis à une lecture attentive du gardien. Il ne faut pas oublier que l’intime se veut rassurant, il se veut secret.
Comme nous pouvons le constater au fur et à mesure de notre lecture, l’intime reste une construction sociale mouvante qui a évolué au gré des multiples changements comme l’aménagement des habitations, des mouvements hygiénistes du XIXe siècle et des manuels de bonne conduite. C’est aussi sous l’œil vigilant des politiques que cet intime a vu le jour car il est une manière de contrôler un ordre social. L’émergence de l’intime impacte toutes les classes sociales, ainsi les maisons bourgeoises s’alignent assez vite sur un même modèle de construction du foyer tout comme l’habitat des classes populaires subira à son tour une transformation profonde en répondant à cette injonction de l’intimité même en famille par le biais des pièces distinctes.

Si le côté matériel connaît un essor dans cet intime, le corps suit sa propre trajectoire et déploie ses propres perspectives, ses propres codes. Par exemple, Il s’expose de plus en plus par les tatouages qui revendiquent une appartenance qu’elle soit amoureuse, communautaire, familiale. L’intime dans son rapport à l’autre, se trouve dans la maladie, dans la mort, dans les naissances, dans les correspondances et dans les rapports familiaux.
Cette Histoire de l’intime se lit comme un vrai roman, passionnant, instructif et audacieux. En quelque sorte, c’est l’histoire d’un héros qui, partant de rien, mène une quête extraordinaire pour se dépasser. Aujourd’hui, on s’aperçoit que l’intime se confond, se questionne dans un monde où chacune de nos paroles, chacun de nos actes peut être écoutés et vues, exposés aux yeux de tous.
Si l’intime vous intrigue, je vous propose de le LIRE !
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